Les difficultés qu’éprouvent les journalistes à revendiquer un savoir-faire professionnel unifié et unifiant sont bien connues. Dans la littérature, ce flou identitaire, caractéristique de la figure du journaliste, semble autant présenté comme une contrainte que comme une chance, puisqu’il permet aux professionnels de plier les cadres de leur fonction sans jamais les rompre.
Le développement du web 2.0 rend possible la participation des internautes à la production de l’information. Cette participation accompagne, semble-t-il, une « démocratisation du journalisme » et son corollaire : la contestation d’une expertise (sélection et traduction de l’information) propre à cette profession. Le public aurait en effet acquis les moyens, via ce média, de s’autonomiser et même de contourner les journalistes professionnels. On parle alors de « journalisme ordinaire », de « journalisme citoyen » ou encore de « journalisme participatif » pour qualifier ce phénomène. L’avènement d’une audience active contraint les journalistes à composer avec un lecteur plus consistant, loin d’une simple représentation projetée. Certes, les journaux n’ont pas attendu internet pour se préoccuper de la relation au lecteur et d’une possible participation ascendante du public à ces sélection, hiérarchisation et diffusion de l’information : le « courrier des lecteurs ».
L’avènement d’un journalisme participatif semble néanmoins s’inscrire au croisement d’une double transformation concomitante plus récente : celle, technique, induite par internet (avec l’avènement du web 2.0) et celle, plus idéologique, qui promeut et tire parti d’une plus grande autonomie et créativité, qu’elle soit le fait de salariés.
Cette double transformation invite également à considérer comment la prolifération des échanges entre journalistes et lecteurs, rendue possible par cette participation ascendante engage les acteurs à réfléchir à la pratique du journalisme et à en redessiner les contours. En d’autres termes, ces transformations invitent les acteurs, notamment les journalistes, à tracer les contours de la pratique, à la redimensionner, à affirmer et raffermir les frontières d’une profession, alors même que les mutations actuelles pourraient la mettre en danger.
La rédaction/Michel Okaso journaliste et chercheur en communication.