Lomami, 27 août 2025 – Tous les regards sont tournés ce mercredi vers la Cour de cassation, où doit tomber le verdict dans le procès très médiatisé de l’ancien ministre de la Justice, Constant Mutamba, poursuivi pour un présumé détournement de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani.
Un dossier explosif au cœur de la justice congolaise
L’affaire, révélée en avril dernier, a rapidement pris une ampleur nationale. Après la mise en accusation par l’Assemblée nationale, Constant Mutamba avait démissionné du gouvernement avant d’être placé sous interdiction de quitter Kinshasa. Depuis le 9 juillet, son procès s’est ouvert dans une atmosphère marquée par les contestations procédurales et les dénonciations d’« acharnement politique ».
L’accusation reproche à l’ancien ministre d’avoir favorisé une société fictive, Zion Construction, dans l’exécution du marché. Le ministère public, estimant que les fonds issus du FRIVAO (Fonds de réparation aux victimes de guerre) ont été détournés, a requis dix ans de travaux forcés.
La défense crie au complot
Pour sa part, Constant Mutamba rejette catégoriquement les charges et dénonce un « complot politique ». Ses avocats affirment que les fonds étaient bel et bien placés sur un compte séquestre et que la passation de marché respectait les procédures en vigueur. Ils pointent également des vices de forme et des irrégularités dans la conduite du procès, estimant que l’issue semble déjà écrite.
Un climat tendu et politisé
Depuis le début du procès, les tensions n’ont cessé de monter. L’ONG ASADHO a crié au scandale en dénonçant un procès expéditif, tandis que plusieurs juristes évoquent une « justice instrumentalisée ». Le 4 août, l’audience a même tourné à l’affrontement verbal entre l’accusé et les juges, révélant l’extrême nervosité du dossier.
À la veille du verdict, le Parquet a alerté sur des appels à la violence contre les magistrats diffusés sur les réseaux sociaux. Les autorités ont renforcé la sécurité autour de la Cour de cassation, signe que ce procès dépasse largement le cadre judiciaire pour s’inscrire dans une dimension politique et sécuritaire.
Un verdict lourd d’enjeux
Quelle que soit l’issue, le verdict attendu marquera un tournant.
Une condamnation de Constant Mutamba serait perçue comme un signal fort de la lutte contre la corruption, mais risquerait d’alimenter le sentiment d’une justice sélective et instrumentalisée.
Un acquittement, en revanche, renforcerait l’image d’un procès bâti sur des failles procédurales, mais pourrait fragiliser la crédibilité du combat anticorruption.
Au-delà du sort personnel de Constant Mutamba, c’est l’indépendance de la justice congolaise qui se retrouve au banc des accusés. Ce procès est devenu un miroir des contradictions de l’État de droit en RDC, oscillant entre volonté de réformer et persistance des logiques politiques.
Papy Félicien MAYOMBO
